En 1938, Stratis Tsirkas publie dans la revue française Soutes, Revue de Culture Révolutionnaire Internationale fondée par Luc Decaunes (n° 9, p. 26-27), ce poème intitulé Rencontre en hommage au grand poète espagnol Federico Garcia Lorca (en photo à gauche) mort sous les balles franquistes lors de la guerre d'Espagne en 1936. Il s'agit là très probablement de son seul texte personnel jamais publié en langue française. Signalons que nous avons corrigé la coquille du premier mot du poème "Da" dans la revue. "Strati" n'est en revanche pas une coquille puisque cette orthographe apparaît aussi dans le sommaire de la revue.
Rencontre
A Federico Garcia Lorca.
De sa cape grise
le vent balaya
toutes les étoiles.
Et les cacha dans les oliveraies et leur ordonna
de dire inlassablement :
cri… cri
cri… cri.
Mais, tu ne vins,
Federico,
qu’à l’heure où bougeait
si lentement le mât de notre barque,
comme un doigt
qui chatouillait
derrière les nuages
le ventre caché
de la lune.
Et la Lune, oh la Lune, ta « Lune »
Riait,
– elle se tordait de rire la Lune –
et dégringolait
du ciel jusqu’à la mer
et puis
montait là haut et s’esclaffait.
(Et c’est la même Lune,
que les enfants dans tes poèmes
sucent
comme une cerise).
Tu vins et tu avais douze
planètes brodées dans ta peau
et tu avais autour de ton cou
le foulard rouge des gitans
et sur le front
l’étoile blanche qui marque
le bon Taureau
l’étoile qui fait honte dans les siècles
à Franco et à Mola et à Llano.
Tu mis tes mains sur moi
(Tes mains ! que toute la Grenade pleure,
et ses guitares déchirées les pleurent,
mais plus – oh, plus que tous les autres –
les seins orphelins de ton Aimée)
et silencieux tu regardais avec moi,
Federico,
Federico Garcia Lorca,
La Lune.
Strati TSIRKAS.
(Traduit du grec par l’auteur).